86ème jour : jeudi 2 Mai Casablanca-Pékin à vélo, sur les traces d'Ibn Battuta, par la route de la soie.  
Samsun - Ünye - 89 km.
Ce matin, je pense qu’il n’y a pas beaucoup de gens qui ont envie de faire du vélo. En voyant le temps qu’il faisait dehors — forte pluie — on comprend pourquoi. L'eau coule sur la route, personne dans les rues. Après le petit déjeuner, il faut bien partir, tant pis pour la pluie. Je suis parti à 9h, entre les voitures et les camions, sous la pluie. Vous pouvez imaginer... Alors j'ai pensé au désert, ou il ne pleut pas, il ne fait pas froid, je me sens bien, j'ai la chance de faire cela. Je me motive comme je peux et ça fonctionne. Vers midi, la pluie s'est arrêtée , j’ai fait une halte à une station-service. Un groupe de soldats m'a demandé où j'allais. Je leur ai dit 'en Chine', ils ont cru que je plaisantais. Alors, j'ai sorti ma veste et montré mon parcours sur mes vêtements. Ils m'ont félicité.
La route est à quatre voies, je voyais la mer Noire de l'autre côté. Puis il s'est remis à pleuvoir, cela ne change rien, je suis habitué maintenant, je continue sur le même rythme. Je me dis toujours que ça pourrait être pire car hier soir, j'avais mal à la cuisse gauche. Après des étirements, j'ai appliqué du miel avec de la pommade et ce matin, aucune douleur. C'est pourquoi je me dis que ça pourrait être pire. Alors j'avance, tête baissée. Je me dis qu'il faut que je trouve un endroit où dormir, face à la mer Noire. J'ai cherché sur Internet et trouvé un petit hôtel, exactement ce dont je rêvais après 89 km. Mais avant, je me suis arrêté à une station-service pour laver mon vélo et nettoyer les sacoches, tout était couvert de boue projetée par les voitures et les camions. On aurait dit que j'avais fait du cross. J’ai nettoyé ce que je pouvais mais c'est quand même mieux. Arrivé à l'hôtel, les employés et le patron se sont posés des questions sur mon périple et mon trajet. Bon accueil, depuis ma chambre je vois la mer Noire, enfin, après l'Atlantique, la Méditerranée et la mer de Marmara, la mer Noire est en face moi , avec de la patience on arrive à tout. Tic-tac, j'avance tout doucement, même si Pékin est encore loin. Dans ce voyage, j'apprends beaucoup. Il faut de la patience, du courage, du mental et de belles histoires. Je  garde  le contact avec ma famille pour continuer cette aventure. Ce qui a été le plus embêtant aujourd'hui, c'était les chiens dans les 10 derniers kilomètres. Incroyable, il y en avait partout. Certains m'attaquaient, d’autres s'enfuyaient en me voyant. Vous n’allez pas me croire, j'ai même été attaqué par un canard. De toute façon, je me méfie de tous les animaux. Quand je courais en Amazonie, le plus dangereux, c’était les petites bêtes aux couleurs bien visibles ; ça signifie 'attention danger'.
Ce soir, j'ai mangé du poisson. Depuis que je suis en Turquie, il n'y avait que de la viande, ça fait du bien. J'ai lavé et séché mes affaires pour qu’elles ne soient pas trop mouillées demain. Trois jours de pluie encore, il ne faut pas que je pense à tout cela, ça m’empêcherait de dormir. Que l'aventure continue et que ma santé tienne le coup.
"Chaque coup de pédale nous rapproche non seulement d'une destination, mais aussi de la découverte de nos propres limites et de notre force intérieure.